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Identités, Relations internationales et civilisations de l’Europe

L’UMR IRICE [Identités, Relations internationales et civilisations de l’Europe]

L’UMR, créée en 2002, a pris la suc­ces­sion d’un GDR inti­tulé « Europe et Européens : inte­rac­tions et rela­tions inter­na­tio­na­les ». Elle ras­sem­ble des équipes des Universités de Paris I et de Paris IV : pour Paris I, il s’agit des his­to­riens de l’Institut Pierre Renouvin ; pour Paris IV, il s’agit des his­to­riens du Centre d’his­toire de l’Europe et des rela­tions inter­na­tio­na­les, et des « civi­li­sa­tion­nis­tes » du Centre de recher­che sur les mondes ger­ma­ni­ques. Sont asso­ciés également, à titre indi­vi­duel, des his­to­riens de l’Université de Cergy-Pontoise et de l’Université de Paris III.

Dès l’ori­gine, l’objec­tif a été d’inté­grer les recher­ches de toutes ces com­po­san­tes autour d’un objet unique, « l’Europe » au sens large du terme, autour des ques­tions euro­péen­nes au XXe siècle prin­ci­pa­le­ment -mais pas seu­le­ment-, en opé­rant un double croi­se­ment : entre his­toire du long terme et his­toire du temps pré­sent, entre appro­che com­pa­ra­tiste et appro­che inter­na­tio­na­liste. L’unité compte une tren­taine d’ensei­gnants-cher­cheurs, huit cher­cheurs du CNRS, une secré­taire IATOS et trois ITA (une secré­taire et deux ingé­nieurs d’études). L’acti­vité se déve­loppe autour de six axes de recher­che.

Autour de l’objet « Europe », l’objec­tif a été de trans­for­mer les syner­gies exis­tan­tes entre cher­cheurs de Paris I, de Paris IV, de Paris III, de Cergy-Pontoise et du CNRS en une véri­ta­ble inté­gra­tion scien­ti­fi­que dans le cadre de l’UMR. Chacun des six axes, en effet, mêle et intè­gre étroitement les mem­bres de cha­cune des com­po­san­tes d’ori­gine.

Actuellement, le direc­teur de l’UMR est le res­pon­sa­ble d’un GDRE « Espace et temps de la cons­truc­tion euro­péenne ». Cf le lien : http://gdreu­rope.word­press.com

L’équipe

L’UMR IRICE com­prend 35 ensei­gnants-cher­cheurs (15 de Paris I, 20 de Paris IV), 7 cher­cheurs CNRS, ainsi qu’1 IATOS et 2 ITA, soit 45 per­son­nes au total ; en outre, les ensei­gnants-cher­cheurs étroitement asso­ciés, à titre indi­vi­duel, aux tra­vaux du labo­ra­toire sont au nombre de neuf : 3 de Cergy-Pontoise, 5 de Paris III, 1 de Paris VII ; enfin d’autres cher­cheurs asso­ciés, en pro­vince et à l’étranger, par­ti­ci­pent régu­liè­re­ment à nos acti­vi­tés.

Autour des six axes de recher­che, des équipes se sont cons­ti­tuées, et il convient de noter que dans chaque équipe, « l’amal­game » entre toutes les com­po­san­tes de l’UMR a été sys­té­ma­ti­que­ment recher­ché. C’était même la règle fon­da­trice de notre labo­ra­toire : la recher­che dans le cadre de tel axe ne reve­nait pas à Paris I ou Paris IV ou aux cher­cheurs CNRS, etc., mais la fusion des cher­cheurs venant de cha­cune de ces com­po­san­tes au sein de cha­cune des six équipes était obli­ga­toire.

Les grands objectifs scientifiques de l’UMR

Trois objec­tifs scien­ti­fi­ques prin­ci­paux ont été défi­nis dès 2002.

Faire l’his­toire de l’Europe, c’est faire l’his­toire d’un pro­blème.

Le pre­mier objec­tif a été de répon­dre à un défi intel­lec­tuel. L’his­toire de l’Europe est en effet pro­blé­ma­ti­que et cer­tains ont pu s’inter­ro­ger sur sa vali­dité [1]. D’un côté, il est dif­fi­cile de nier que l’Europe est depuis long­temps tout à la fois un ensem­ble de cultu­res, un ensem­ble de rela­tions socia­les et poli­ti­ques, un projet ou un rêve récur­rent d’unité, et, depuis un demi-siècle, un pro­ces­sus de cons­truc­tion qui s’ins­crit dans la réa­lité. Mais, de l’autre, écrire une his­toire euro­péenne com­porte le risque d’écrire une his­toire linéaire, une his­toire ten­dant à démon­trer la fata­lité de l’unité pro­mise. Or, l’Europe est aussi depuis long­temps le théâ­tre d’affron­te­ments, de guer­res inces­san­tes et de mas­sa­cres répé­tés. Même si les déchi­ru­res euro­péen­nes ont pu pério­di­que­ment faire naître des désirs d’Europe unie, cette unité n’est en rien auto­ma­ti­que ni pré­des­ti­née. Écrire l’his­toire de l’Europe, ce n’est pas décrire une unité « ins­crite » dans l’« Histoire ».

Ainsi, faire de l’Europe un « objet d’his­toire » devient légi­time si l’on fait de l’his­toire de l’Europe non l’his­toire d’une donnée, mais celle d’un pro­blème. Pour que l’his­toire de l’Europe ne soit pas pro­blé­ma­ti­que, il faut qu’elle soit pro­blé­ma­ti­sée, ou qu’elle soit l’his­toire d’un objet lui-même pro­blé­ma­tisé. Cette appro­che permet d’éviter les pièges de l’ana­chro­nisme, de l’hagio­gra­phie et de la démar­che téléo­lo­gi­que ten­dant à recher­cher loin dans l’his­toire la ligne droite condui­sant à une fina­lité qui serait l’unité euro­péenne. D’où l’ambi­tion d’ana­ly­ser l’objet « Europe » dans sa com­plexité et toute son étendue - Russie com­prise -, bien au-delà des limi­tes de l’actuelle Union euro­péenne. Il s’est donc agi de pro­blé­ma­ti­ser his­to­ri­que­ment la notion d’Europe à la fois comme un espace de civi­li­sa­tion(s) aux contours indé­fi­nis, et un sys­tème de rela­tions inter­na­tio­na­les, de l’appré­hen­der à la fois comme une culture (capa­ble d’uni­fier et de déchi­rer), une société mul­ti­forme et une série de pro­jets poli­ti­ques, d’ailleurs sou­vent contra­dic­toi­res et concur­rents. Cette étude des inte­rac­tions entre ces dif­fé­ren­tes struc­tu­res euro­péen­nes, entre sys­tème euro­péen et civi­li­sa­tion de l’Europe, a appelé l’asso­cia­tion étroite des his­to­riens avec des spé­cia­lis­tes d’aires cultu­rel­les et lin­guis­ti­ques, ainsi qu’avec des géo­gra­phes, juris­tes, économistes et poli­tis­tes. Certaines de ces pro­blé­ma­ti­ques avaient déjà été déve­lop­pées de façon remar­qua­ble par Henri Mendras et ses équipes [2]. L’appro­che était essen­tiel­le­ment - mais non exclu­si­ve­ment - socio­lo­gi­que et l’étude était volon­tai­re­ment cir­cons­crite à l’Europe occi­den­tale, puis­que le modèle de civi­li­sa­tion reven­di­qué était celui de l’Occident euro­péen. L’équipe de l’UMR IRICE a davan­tage mis l’accent sur le rap­port entre poli­ti­que et culture, et la partie centre-orien­tale du conti­nent a été inté­grée dans les inter­ro­ga­tions sur la notion d’Europe.

Croisement du temps long et du temps pré­sent

Le deuxième objec­tif a été de croi­ser les études du temps long et du temps pré­sent, avec le même souci de faire la chasse aux ana­chro­nis­mes et aux inter­pré­ta­tions linéai­res. Ce qui impli­que d’une part de tra­vailler quel­que peu sur l’Europe aux époques où l’unité n’était pas vrai­ment à l’ordre du jour - sauf pour quel­ques rares esprits - en inté­grant dans l’UMR des recher­ches sur l’his­toire moderne et en lan­çant des recher­ches sur le XIXe siècle. C’est toute l’évolution d’une iden­tité cultu­relle euro­péenne qu’il convient d’ana­ly­ser d’une façon cri­ti­que et d’appré­cier dans les dif­fé­ren­tes socié­tés euro­péen­nes. D’autre part, il importe d’exa­mi­ner l’his­toire de l’Europe du temps pré­sent, c’est-à-dire le temps de l’ancrage social de l’idée euro­péenne et le temps de la cons­truc­tion de l’Europe, en posant la double ques­tion fon­da­men­tale : dans quelle mesure ces pro­ces­sus pro­lon­gent ceux de la cons­truc­tion de la vieille iden­tité cultu­relle euro­péenne ? Dans quelle mesure, au contraire, ils rom­pent avec elle ou la trans­for­ment ? S’agit-il d’un vieux pro­ces­sus continu d’« ordre euro­péen » tel qu’il est sans cesse recher­ché depuis l’« ordre west­pha­lien » de 1648 ? Ou s’agit-il d’une dyna­mi­que tout à fait nou­velle ?

Pour ce qui est de la cons­truc­tion poli­ti­que de l’Europe, il est convenu de croire que la méthode est révo­lu­tion­naire depuis 1950 et qu’elle n’a rien à voir avec celle de la diplo­ma­tie tra­di­tion­nelle de l’ordre ou du concert euro­péen. Sans aucun doute, depuis cette date, des éléments nou­veaux ont affecté en pro­fon­deur les rap­ports entre Européens. Il n’en reste pas moins vrai que l’équipe a voulu y regar­der de plus près. Dans l’ordre de la culture, la mytho­lo­gie semble aller en sens inverse et vou­loir fonder une légi­ti­ma­tion his­to­ri­que sur des raci­nes mon­tant loin dans le passé : bien des auto­ri­tés, cons­ta­tant un « défi­cit cultu­rel » et un manque d’enthou­siasme dans le pro­ces­sus actuel de cons­truc­tion euro­péenne, pous­sent les cher­cheurs à prou­ver les gran­des conti­nui­tés du temps long, afin de trou­ver de nobles raci­nes à la « citoyen­neté euro­péenne ». Or, là aussi, le cher­cheur doit garder son indé­pen­dance scien­ti­fi­que : l’UMR a entendu ana­ly­ser les conti­nui­tés, mais aussi les dis­conti­nui­tés, les rup­tu­res dans l’ordre de la culture euro­péenne au XXe siècle, sans les­quel­les, pré­ci­sé­ment, le pro­ces­sus de cons­truc­tion euro­péenne n’aurait peut-être pas été pos­si­ble.

D’une façon géné­rale, il a été jugé bon de déve­lop­per les pro­blé­ma­ti­ques les plus récen­tes : quel est le poids de la mémoire, des syn­dro­mes, des cultu­res et des repré­sen­ta­tions dans le pro­ces­sus de cons­truc­tion euro­péenne ? quelle est l’influence de l’économie dans la cons­ti­tu­tion des soli­da­ri­tés et la for­ma­tion des iden­ti­tés ? quel est l’impact de l’événement et de sa repré­sen­ta­tion ? et quel est le rôle des lan­gues dans le mode de cons­truc­tion de ces repré­sen­ta­tions ? Comment ont agi les sti­muli néga­tifs : han­tise de la guerre, de l’insé­cu­rité, de la bar­ba­rie, du déclin poli­ti­que ou économique, peur de l’URSS, peur des États-Unis ? « L’Europe », en effet, paraît se faire « contre » quel­que chose ou quelqu’un. Néanmoins, il a été néces­saire de mesu­rer aussi l’influence des idées, des idéaux et des milieux visant posi­ti­ve­ment à l’action en faveur de l’unité euro­péenne. Le ques­tion­ne­ment sur le temps long et le temps court a dû s’appli­quer tant au domaine des rap­ports de force qu’à celui des réseaux, des liens de socia­bi­lité et des per­méa­bi­li­tés cultu­rel­les : est-ce « l’inté­rêt natio­nal » qui cons­ti­tue - inter­pré­ta­tion de l’« école réa­liste » - le moteur de la cons­truc­tion euro­péenne, pour mieux sauver l’État-nation [3] ? ou, à l’inverse, quel est le rôle des nou­vel­les « dyna­mi­ques » euro­péen­nes, des nou­vel­les men­ta­li­tés qui se sont déve­lop­pées chez cer­tai­nes élites, puis dans les socié­tés, les opi­nions et les ima­gi­nai­res ? Ce croi­se­ment entre temps long et temps pré­sent relève d’un ques­tion­ne­ment d’his­to­riens, comme la réflexion à mener sur l’« ordre west­pha­lien », sur la notion d’inté­rêt natio­nal et sur la greffe des nou­vel­les « dyna­mi­ques euro­péen­nes » : sur ces points précis, l’éclairage des juris­tes, poli­tis­tes, géo­gra­phes et phi­lo­so­phes du poli­ti­que a été très pré­cieux.

Croiser l’appro­che com­pa­ra­tiste et l’appro­che inter­na­tio­na­liste

Le troi­sième objec­tif a été de croi­ser deux métho­des pour mieux cerner l’objet « Europe », repé­rer les spé­ci­fi­ci­tés euro­péen­nes et leur évolution, isoler les éléments de conti­nuité et de rup­ture dans les dif­fé­rents pro­ces­sus euro­péens : celle du « com­pa­ra­tisme » et celle de l’étude des rela­tions inter­na­tio­na­les. Il est à la fois néces­saire de com­pa­rer les grands ensem­bles de part et d’autre des fron­tiè­res (inter­nes et exté­rieu­res à l’Europe) et de mesu­rer les effets des rela­tions entre ces grands ensem­bles sur l’évolution de chacun d’entre eux. La com­pa­rai­son ne peut se faire sur des éléments sta­ti­ques, car les rela­tions entre eux les modi­fient sans cesse.

L’his­to­rien du poli­ti­que et du social, les poli­tis­tes « inter­na­lis­tes » ainsi que les socio­lo­gues des dif­fé­ren­tes « aires » euro­péen­nes ou mon­dia­les ont beau­coup appris aux « inter­na­tio­na­lis­tes » en matière d’his­toire de l’Europe [4]. Pour faire le tri entre les com­po­san­tes d’une iden­tité et les éléments de dis­pa­rité, il a fallu recou­rir à la méthode com­pa­ra­tiste, appli­quée à des niveaux dif­fé­rents à l’inté­rieur de l’Europe. D’autre part, pour appré­hen­der ce qui est « spé­ci­fi­que­ment euro­péen », il a été néces­saire de pous­ser la com­pa­rai­son avec les socié­tés extra-euro­péen­nes les plus pro­ches cultu­rel­le­ment, poli­ti­que­ment, socia­le­ment, de l’Europe : celles de l’Amérique, en par­ti­cu­lier, d’où la pré­sence indis­pen­sa­ble de spé­cia­lis­tes « amé­ri­ca­nis­tes » dans l’UMR. Ainsi, l’on a com­mencé à isoler les phé­no­mè­nes trans­na­tio­naux en Europe, ou tran­seu­ro­péens. Ils sont dus en partie à des fac­teurs com­muns endo­gè­nes : le même contexte et les mêmes causes pro­dui­sent en géné­ral le même type d’effets de part et d’autre des fron­tiè­res.

Mais une partie de l’expli­ca­tion tient aussi au poids des « rela­tions » entre les nations euro­péen­nes. L’appro­che inter­na­tio­na­liste a été également indis­pen­sa­ble pour mesu­rer le rôle des fac­teurs exo­gè­nes, des influen­ces exté­rieu­res, des échanges, des « trans­ferts » de tous ordres, des regards croi­sés. Il a été donc abso­lu­ment néces­saire d’évaluer le poids des rela­tions inte­reu­ro­péen­nes dans la cons­truc­tion de ces forces tran­seu­ro­péen­nes, de ces forces qui agis­sent de part et d’autre des dif­fé­ren­tes fron­tiè­res à l’inté­rieur de l’Europe.

À partir de ces trois objec­tifs qui fédè­rent toutes les recher­ches de l’UMR, six axes de recher­che ont été défi­nis, don­nant lieu à des grou­pes de tra­vail « inté­grant » les cher­cheurs des dif­fé­ren­tes com­po­san­tes de l’UMR. L’axe 1 (Civilisations en Europe et sys­tème paneu­ro­péen) prend en compte le temps long XVIIe, XIXe et XXe siècle ; les axes 2 (Relations et regards croi­sés Est-Ouest à l’inté­rieur de l’Europe depuis 1945), 3 (L’Europe et les Autres), et 5 (Les espa­ces et les temps de la cons­truc­tion euro­péenne) insè­rent leur recher­che dans un temps his­to­ri­que moins long (le XXe ou la deuxième moitié du XXe siècle) ; l’axe 6 (Mémoires en Europe, mémoire d’Europe) déve­loppe une his­toire de la mémoire, mesu­rant le poids du passé sur le pré­sent euro­péen ; l’axe 4 (Crises et Globalisation fin de siècle : les recom­po­si­tions en France et en Europe) s’insère plus réso­lu­ment dans une vraie démar­che d’his­toire du temps pré­sent (des années soixante-dix à nos jours).

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